Pistes d'écriture: 1. Le dialogue. 2. écrire d'après un scénario proposé par Camilia Läckberg.

Scenario : un policier interroge un homme soupçonné d’avoir tué sa femme. L’homme prétend que sa femme a quitté la maison trois jours plus tôt et qu’elle n’est pas revenue.

DIALOGUE  (A TROIS)

Ayant pris plus ou moins consciemment la stature, l’allure et aussi les habitudes de Maigret, le commissaire Landrau est arrivé le dernier. Le suspect est déjà là, démenotté, assis un peu en avant sur sa chaise, les yeux rivés au sol comme s’il observait une procession de fourmis. Il est massif, trapu, on le devine tout en muscles, un vrai taureau, le genre avec qui on n’aimerait pas discuter au fond d’une ruelle.

A ses côtés l’inspecteur Pietri a l’air d’un adolescent, plutôt style renard, mince, en perpétuel mouvement, toujours à tripoter quelque chose, un crayon, un trombone, pour évacuer son trop plein d’énergie. Il n’arrête pas de tourner autour de la chaise où l’homme immobile regarde toujours le sol.

C’est Landrau qui prend la parole.

-          Alors on reprend. Où en sommes-nous à cette troisième séance ?

-          Troisième séance, retour à la case départ, renchérit Pietri

L’homme ne répond pas, se contentant de se caler contre son dossier et se met à examiner ses mains.  Landrau résume.

L - Le vendredi  votre femme vous annonce qu’elle part passer le weekend chez sa sœur.

H - Ouais

P - Tu la connais sa sœur ?

H - Jamais vue

P - Tu ne sais pas où elle crèche, bien sûr ?

H - Non. M’en fous.

L - Après tout elle a peut-être le sens de la famille. Vous a-t-elle laissé un numéro de téléphone où la   joindre ?

H - Non.

L - Donc, quand elle n’est pas revenue le dimanche soir, vous ne pouviez pas essayer de la contacter.

H - Non.

L - Est-ce que vous étiez inquiet ?

H - Non.

P - Pardi ! Tu étais peinard un jour de plus, hein ? Qu’est-ce que tu as fait, toi, le weekend ?

H - Rien.

P - C’est quoi, rien ? Tu as bien fait quelque chose. Raconte, tu es là pour ça. Ou bien tu préfères que je change de méthode pour poser les questions ?

H - Levé tard. Bouffé chez Jo.

P - Il parait que t’as pas fait que bouffer. Tu as offert pas mal de tournées, tu arrosais quoi ?

H - Qui raconte ça ?

P - Mon petit doigt. Et le petit doigt de Jo, tu vois.

L - Ainsi il apparaît que vous n’étiez pas inquiet, que vous avez passé des journées, disons normales.  Et même le lundi, après une belle soirée le dimanche vous avez voulu remettre ça chez Jo.

H - Et alors ?

P - Et alors tes potes, eux, commencent à s’étonner de ne pas avoir vu ta femme. D’habitude c’est elle qui vient gentiment te ramasser quand tu es plein à déborder.

H - Pour me faire chier, oui !

L - Qu’avez-vous raconté à vos amis pour expliquer cette absence ?

H - Pas leurs oignons.

P - Seulement, voilà, leurs oignons ont commencé à piquer leur curiosité. Ils se sont renseignés, eux, à la boulangerie, chez l’épicier, et personne ne l’avait vue du vendredi au mardi. Tu dis quoi, là ?

H - Tous des fouille-merde.

L - C’est votre avis, mais il y en a un qui a fait part de son inquiétude à l’inspecteur Pietri.

H - C’est qui ce salaud ?

L - Peu importe. En tout cas on a cherché à comprendre, on a posé des questions, on a appris des  choses. Par exemple que votre femme n’a pas de sœur, qu’elle n’a pris ni bus ni train ni taxi.  Est-elle partie à pied ? Pour où ?

H  - Sais pas, moi. Elle veut aller, elle va.

P - Ben, mon lascar, tu as l’esprit large, au moins, un vrai couple moderne ! Et qu’est-ce que tu en dis qu’elle n’ait rien emporté pour ce voyage ?

H - Comment ça ?

L - Nous avons retrouvé dans votre appartement toutes ses affaires de toilette, son manteau, alors qu’il fait froid, son sac habituel et son sac de voyage. La seule chose qui manque est une couverture   sur le lit défait. Une couverture assez grande pour enrouler un corps, le dissimuler, le              transporter.

H - Qui ? Quoi ? Où ça ?

P - Tiens le taiseux se réveille ! C’est pas toi qui as trimballé un gros paquet dans une carriole attachée à          ton vélo ? Qui a longé le canal jusque sous le pont ? Qui a balancé dans l’eau quelque chose qui  a refait surface jeudi ?

H - Vous bluffez. Avec moi ça prend pas.

L - Non, monsieur, nous ne bluffons pas. Regardez ces photos prises jeudi matin. On y voit un gros tas  dégoulinant, de la taille d’un corps humain. Voulez-vous en voir davantage ? Voulez-vous voir  sous la couverture ?

 

L’homme se dresse brusquement, pose ses mains sur le bureau du commissaire, se penche en le regardant dans les yeux, et éclate.

H - Y en a marre, commissaire ! Vous êtes là avec vos ‘Monsieur’, ‘vous’ par-ci, ‘vous’ par-là. Vous me parlez comme si j’étais quelqu’un comme vous, bien propre et bien mis, avec sûrement une femme qui vous prépare du bœuf miroton tous les dimanches. Moi c’était tous les jours des pâtes, le plus souvent gluantes, des conserves pas meilleures que la pâtée pour chien. Et moi, quand je vais boire, c’est avec mes copains, on rigole, on se tient chaud. Alors qu’elle, c’est toute seule, dans ses pantoufles trouées, sa robe de chambre mitée, avachie sur son fauteuil, son ventre posé sur ses genoux et ses seins par-dessus. Voilà ce que c’était,  ma femme. J’ai tenu le plus longtemps que j’ai pu et puis j’ai craqué. Dites-moi, vous n’en n’auriez pas fait autant ? Non, bien sûr, mais je m’en fous. Ce qui est fait est fait, qu’est-ce que j’y peux ?