Piste d'écriture: écrire un texte qui réunit deux images.

 

Ma Douce,

Déjà un mois points_de_vue_fille_et_musicienque je suis revenu à Grenoble terminer en famille mes vacances, que fais-tu ? où es-tu ? qui enchantes-tu de ta voix de cristal ? tu me manques et je t’envoie aujourd’hui deux photos à garder précieusement.

La première, souviens-toi, début aout à Paris, tu avais terminé ton premier engagement de soliste, moi, je rentrais d’un concert à Londres ; j’étais épuisé, tu me racontas la scène, ton trac, la voix qui se nouait. Nous entamions une semaine ensemble, le Conservatoire était fermé, on était libres et avions choisi les quais de la Seine pour se promener. J’ai pris la photo, car tu t’étais précipitée au bord d’un pont, comme une figure de proue et avais entonné de toute ta belle voix l’air du Titanic, tu sais, bras levés et roucoulades !! Ah ! Selma, ce jour-là tu m’as eu ! les poings liés…. La photo est belle,  une magnifique vue des bords de Seine, et toi qui jaillis, comme une fusée.

 Rappelle-toi nos promenades, la première fois où tu as accepté mon bras autour de ta taille ! Il en a fallu du temps pour t’apprivoiser ; je ne suis pas facile non plus, tu te moquais souvent de mes manies et ça m’intimidait… enfin cette semaine ensemble a été super !!! en dehors du fait que je n’aimais pas Wagner que tu adores et que toi, tu  ne supportais pas Debussy que j’idolâtre. Souviens toi aussi de ces vacances d’hiver dans ma Savoie natale. On a visité tous les sommets entourant Grenoble, tu étais éblouie, mais tu n’as pu t’empêcher de souligner malicieusement : « C’est beau, très beau, mais on a envie dans un décor pareil d’entendre de la musique, malheureusement l’on n’a jamais vu un musicien là-haut interpréter Mozart ou Bach !! c’est dommage... » 

J’ai pris ça pour un défi que tu me lançais, eh bien ! la deuxième photo c’est moi !!! au sommet de la Chartreuse !  2026m, temps clair et doux, j’ai joué le 1e Prélude pour violoncelle solo de Bach, rien que ça... et je n’ai pensé qu’à toi, mon cœur,   qu’en dis-tu ? …….. Je t’explique : il y a quinze jours j’ai rencontré à Grenoble Jean, copain du Lycée Champollion, depuis dix ans employé au département pour les relevés de photos aériennes. Il me parle de son boulot, sympa, passionnant, et brusquement ça fait tilt dans ma tête ! Pouvait-il me déposer là-haut, me larguer une chaise et un pupitre, et mon instrument ? une folie ! Pourquoi pas, dit-il... J’étais aux anges. On a attendu une journée calme, une heure ou deux de disponibilités, et j’ai gouté une joie sans égale……

 A part qu’un hélico ne fait pas dans la dentelle, que j’ai tremblé pour mon violoncelle ballotté contre l’échelle,  ça c’est bien passé… le pied !   Une vue incroyable, ma chaise bien calée, le pupitre était là pour le décor, le prélude je le connais par cœur, il y avait des montées au ciel, des glissades sur les sommets alentours, les sons dansaient, des tourbillons plongeaient vers les basses, une vrille qui m’enchâssait au sol  montait, montait et se perdait au-dessus de moi …un bonheur ! Bach était là, heureux, à sa place, immense et secret, parmi ces sommets qui  renvoyaient sa musique…. ai-je rêvé cet instant ?  Jean a pris la photo, garde-la, je te la donne c’est grâce à toi, mais en retour viens me voir, je t’attends, sinon tu me verras surgir, un jour à cheval sur l’obélisque, ou sur le toit de ton immeuble, et je te jouerai une œuvre de Debussy, que tu détestes,  !!!  En attendant, laisse-moi t’embrasser, comme j’aime, ma jolie…                 STAN