andy summers homme et cheval

Piste d'écriture: des photos d'Andy Summers (Pavillon populaire, Montpellier, 2019)

 

« Je n’ai pas compris hier matin, l’homme est arrivé comme chaque jour, mais seul, elle, n’était pas là, sa natte blonde me manqua ; lui, malgré l’heure matinale, était vêtu de son pantalon à trous, ses éternelles bottes noires, le torse nu, et la chevelure désordonnée… Que lui arrivait-il ? Il décrocha les guides et la selle, me les jeta sur le dos, sans sa tape douce habituelle, puis dit : « allons » et me tira hors des boxes.

On prit le chemin du petit bois longeant la côte, les arbres frémissaient, il était tôt, quelques oiseaux s’égosillaient ; personne ; on était en période de vacances, et les gens paressaient. J’appréciais toujours ce moment, où je les entendais tous deux plaisanter, ou gentiment s’accrocher comme le font souvent les gens qui s’aiment, elle se rapprochait parfois, et je sentais sa jument contre moi, nous ne bougions pas…. Cela faisait plusieurs années que ce manège durait, et j’étais heureux de ces instants dont je faisais partie…

Hier, il n’a rien dit, serrant les genoux pour me faire accélérer, j’ai galopé un moment dans l’allée des chênes verts. J’ai eu du mal à reprendre mon souffle ; puis nous avons pris la montée de la dune, il sait que je n’aime pas planter mes sabots dans le sable, mais il a insisté, tirant sur la courroie, j’ai avancé ; en haut, la vue était si belle !

…..La mer était là ; étalée comme un long drap argenté touchant le ciel au loin… Il aimait la musique, fredonnait souvent, il inventait des airs, et elle riait…. On ne s’est pas attardé, et c’est là qu’il a voulu prendre la descente, il tirait sur la guide et je refusais de la tête, il fit semblant de ne pas comprendre, et m’entraina. Je descendais doucement, très doucement ; en plantant mes sabots avec soin, ne pas glisser, ne pas m’enfoncer, mais que lui arrivait-il ?

Arrivés sur la plage, il m’a fait galoper jusqu’au bord de l’eau, le remous lava le sable de mes sabots. Il descendit, sans lâcher la bride, et me regardant avec des yeux qui ne ressemblaient pas à ceux d’avant, il me dit : « Viens avec moi ! » Il tira fort, je suis entré dans l’eau il tirait, je suivais avec précaution, je perdis pied un moment, me relevai, il tira à nouveau, alors brusquement je me retournai vers le rivage et tirai à mon tour, je repris pied, tirant d’un côté, lui de l’autre. Un moment il a senti que ma force était supérieure à la sienne, alors il a lâché…

Je suis revenu sur la plage. Après m’être secoué j’ai regardé le large, ai suivi longtemps sa nage, loin, loin devant moi…. Je n’ai pas compris, que voulait-il ?                           

C’est tard dans la soirée que le garçon d’écurie est venu me chercher, mes yeux me faisaient mal à force de chercher l’homme… qui n’est jamais revenu.