Cette piste d'écriture m'a été inspirée par Jessie Burton et son roman, Les filles au lion, traduit par Jean Esch, Gallimard 2017, Folio 6499. Voici l'extrait:
Olive se tenait sur le seuil, elle serrait dans sa main la lettre de la Slade School of Fine Art. Cette lettre n’avait que quinze jours, mais elle flottait déjà comme un mouchoir, les pliures presque huilées. Elle marcha jusqu’au lit de sa mère et s’assit à l’extrémité pour la lire encore une fois, bien qu’elle la connaisse par cœur. Nous avons le plaisir de vous inviter à suivre les cours d’arts plastiques… Les professeurs ont été très impressionnés… imagination fertile et l’originalité… pour poursuivre la tradition rigoureuse, mais progressive, de l’école… nous avons hâte de recevoir de vos nouvelles au cours de la prochaine quinzaine. Au cas où votre situation devrait changer, veuillez nous en informer.
Si elle la lisait à voix haute, sa mère l’entendrait peut-être à travers le brouillard, et ce serait réglé : Olive serait obligée de tenir parole et de partir. Peut-être valait-il mieux administrer un tel choc en profitant des effets résiduels d’un somnifère ? Quand elle avait reçu la lettre, là-bas à Londres, Olive avait eu envie de crier sur les toits ce qu’elle avait fait. Ses parents n’en avaient pas la moindre idée, il ne savaient même pas que leur fille continuait à peindre, et encore moins qu’elle avait postulé pour entrer dans une école d’art. Une partie de son problème venait du fait qu’elle avait toujours été habituée au secret : c’était là qu’elle se sentait à l’aise, le stade à partir duquel elle commençait à créer. C’était un schéma que la superstition l’empêchait de briser, voilà pourquoi elle se retrouvait dans ce village du sud de l’Espagne.
Le secret comme terreau nécessaire à la création, à la pensée. Qu’en pensez-vous ? Personnellement, j’aime beaucoup l’idée de la superstition. Olive a 19 ans, elle a dû reléguer à la marge ce qui était essentiel pour elle. Parfois, on a simplement besoin de temps et de douceur, ne pas divulguer, jeter ce qui nous habite à tous vents.
Dans le cas d’Olive, s’agit-il du besoin de préserver un jardin secret, d’un manque de confiance en soi, d’un doute sur la manière dont ses parents accueilleront la nouvelle ? D’une inquiétude à l’idée de laisser sa mère seule dans ce village du sud de l’Espagne.
Je précise que l’action se déroule en 1936, en Andalousie, et que cette scène se situe peu avant le début de la guerre d’Espagne.
Vous pouvez vous emparer de la situation et poursuivre le texte.
Vous pouvez aussi créer un personnage qui, pour une raison une autre, s’appuie sur le secret. Un secret intime, un secret à deux (ou à un peu plus que deux). Ce secret peut engendrer, au départ, une complicité (avec soi-même, avec un autre), constituer terreau. Mais de fertile, il peut devenir desséchant, voire se transformer en piège. Ici, on voit qu’Olive a du mal à assumer son désir de quitter sa famille pour entrer dans cette école d’art qui pourtant a accueilli sa candidature avec enthousiasme.
Que va faire votre personnage, que va faire Odile ? Rester dans cette forme de sécurité que procure le secret ? Le briser ? Quelle sera la réaction de son entourage ?